« Les outils d’intelligence artificielle peuvent désormais surveiller et analyser les performances physiques au travail »


Il existe une vaste littérature concernant les conséquences du développement de l’intelligence artificielle (IA) sur l’emploi, allant des publications les plus pessimistes aux plus enchantées. Si la plupart des prédictions effrayantes annonçant la disparition des emplois ont jusqu’ici été démenties – à l’instar de celles des économistes américains Carl Benedikt Frey et Michael Osborne, qui indiquaient, en 2013, que l’automatisation pourrait entraîner la disparition de la moitié des emplois américains en une ou deux décennies –, il pourrait en aller autrement dans les années à venir.

Une étude du département de la recherche de l’Organisation internationale du travail parue en août montre qu’à certaines conditions (notamment un dialogue social renforcé), la diffusion de l’IA pourrait créer des emplois, mais que des risques non négligeables pesaient sur l’emploi des femmes dans les pays à revenus élevés.

Mais ce sont sans nul doute les effets du développement de l’IA sur le travail humain lui-même, plus que sur l’emploi, qui méritent la plus grande attention. Depuis plusieurs années, de nombreuses recherches ont mis en évidence la diffusion à grande vitesse d’un « management algorithmique », c’est-à-dire d’une gestion des conduites humaines et des relations de travail à l’aide d’instructions encapsulées dans un logiciel. Par exemple, les chauffeurs VTC ou les livreurs à vélo qui utilisent les applications des plates-formes numériques voient leur parcours guidé et analysé par un algorithme, qui incite à l’adoption de certains comportements et peut générer des sanctions telles que la déconnexion.

« Boîtes noires »

Mais ni les chauffeurs ni les livreurs à vélo n’ont connaissance des critères utilisés : ils réclament depuis longtemps d’avoir accès à ces « boîtes noires ». La directive proposée par la Commission européenne en décembre 2021 prévoit plusieurs avancées essentielles pour celles et ceux qui travaillent via les plates-formes numériques, parmi lesquelles une présomption de salariat, une meilleure transparence des algorithmes et le droit de contester les décisions automatisées. Mais elle se heurte à un lobbying farouche de la part des plates-formes.

Si elle vise à encadrer et à surveiller les comportements de celles et ceux dont le travail est guidé par des applications numériques, la mobilisation des algorithmes ne s’arrête pas là. Les chercheurs Valerio De Stefano et Simon Taes montrent que le management algorithmique engendre non seulement un contrôle des travailleurs d’une ampleur qui aurait été impensable il y a quelques années, mais aussi la collecte et le traitement de quantités considérables de données personnelles relatives à leur vie et à leur travail (« Management algorithmique et négociation collective », Notes de prospective de l’Institut syndical européen n° 10, mai 2021).

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